jeudi 19 novembre 2015

Un coupeur du secret chez les Marcaires de la Haute-Meurthe


Début août 2015


Nous sommes en vacances en famille. 

Après une semaine aux Orres, nous passons une semaine en Alsace, à Bassemberg.


Nous avons prévu une journée dans les Vosges, le 13 août, pour les amis et la famille.

Nous passons la matinée à visiter les mines à Sainte-Marie-aux-mines.




Après un déjeuner chez nos amis de Mandray, nous allons rendre visite à ma grand-mère à Anould.

Les enfants retrouvent la maison, le jardin et leur arrière grand-mère.

Pour ma part, je vais jeter un oeil dans la bibliothèque, comme à mon habitude.

Je tombe sur un livre ayant appartenu à mon arrière grand-père, 
Maurice DIDIERGEORGES, le beau-père de ma grand-mère.







Il s'agit d'un excellent ouvrage paru en 1950 sur Le Valtin et Le Grand Valtin.

Le livre embarqué, j'ai commencé à le lire le soir même....un régal pour le généalogiste vosgien que je suis :)

Un Marcaire, c'est quoi ?




Nous sommes sur les hauteurs des Vosges, la nature est gagnée par la forêt sur un relief ingrat.

Les paysans vachers de la région ont obtenu progressivement des ascensements (terres libérées du cens car inexploitables). Les Hautes Chaumes en font partie.

Les Marcaires y mènent leurs vaches pour le pâturage.

Marcaires ou marcarts (de l'allemand Melker : trayeur) font du fromage dont ils se servent pour payer une partie de l'impôt.

https://fr.wiktionary.org/wiki/marcaire






Puis nous sommes rentrés le 16 août pour finir les vacances à la maison.



Je suis arrivé aux 3/4 du livre et j'arrive au chapitre sur les "us et coutumes de jadis".


Coutumes religieuses...Coutumes superstitieuses : jeteurs de sorts... Coupeurs du secret !








Immédiatement, je remarque les annotations...





"C'était le grand-père de ma belle-mère. À la bataille de Solférino, ayant eu un pouce coupé par une balle, il soignait son voisin. Celui-ci, avant de mourir, lui donna 2 carnets, un pour jeter des sorts, l'autre pour guérir. Il ne voulut pas utiliser le 1er. Mais on venait le chercher, de jour ou de nuit; il partait aussitôt, effectuant quelquefois 30 ou 40 km sans jamais rien demander. Sa guérison la plus spectaculaire est celle d'un curé de Fraize. Atteint d'un phlegmon à l'avant-bras, celui-ci étant très enflé, le docteur de Fraize lui dit le samedi que le lundi matin, sa dernière chance était de se faire couper le bras. On appela le guérisseur. Après ses incantations, le pus se mit à sécher, on lui retira de la veine comme une méche d'amadou, le pus solidifié. Le lundi matin, le docteur, abasourdi. Ces 2 carnets doivent encore se trouver chez André Vautrin, garagiste transporteur à Rambervillers."


Abasourdi, c'est moi qui le suis...!

Evidemment, je vais chercher direct dans mon arbre généalogique.

Le livre appartenant à mon agp, je cherche les 2 grand-pères de sa belle mère... 

Déception,  ils sont tous deux alsaciens, né et décédés là-bas...


Je cherche donc de l'autre côté, son beau-père... et là.... BINGO

Je tombe sur Martin DUVOID, né à Ban-sur-Meurthe, fromager à Strazy, ferme de Plainfaing, en plein chez les Marcaires...




(Situation du Strazy avec les communes voisines)





(Situation du Strazy communale)



(Ferme du Strazy)



C'est mon sosa n°106.



Voici l'arbre de Madeleine LAMAZE, mon arrière grand-mère, l'épouse de Maurice DIDIERGEORGES.


Voici la trace de Martin dans les tables décennales, mariage et décès :







Martin DUVOID, né en 1814, aurait eu 45 ans à Solférino (24 juin 1859), pourquoi pas...


Voici le seul acte où il apparaît, la naissance de sa fille Marie Adèle à Plainfaing, les autres mentions se trouvent dans les tables décennales :






À noter le changement d'orthographe du patronyme qui se transforme en "DUVOIX", et qui revient à la normale pour son mariage en 1869 :








Ceci étant, il me restait la piste d'André VAUTRIN, garagiste transporteur à Rambervillers (88) à exploiter.


Direction Geneanet, recherche très rapide et :






Mes arrière grand-parents ayant eu ce livre dans les années 50, il était donc leur contemporain et avait une quarantaine d'années.


Mais quel est donc le lien avec Martin DUVOID et ses carnets ???


En remontant l'arbre d'André VAUTRIN, j'ai trouvé son grand-père, Joseph Eugène VAUTRIN, marchand de vaches, né en 1841 à Uriménil (88), soit âgé de 30 ans au décès de Martin DUVOID.

Ça a l'air de coller...

Au décès d'André, sa maison fut vidée et vendue, pas de trace de ses carnets...

Je remercie frcadet de Geneanet pour les informations sur André VAUTRIN.


La transmission du "don" de coupeur du secret ne se fait pas par le sang, c'est plus compliqué que cela... 



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Trouver ce genre d'histoire familiale lorsque l'on a fait de la Généalogie son métier, c'est du pur bonheur :) 

Merci Pépère Maurice ;)







sources : 

"Au pays des Marcaires" Victor LALEVÉE - Editions René FLEURENT Fraize

Wiktionary

Google maps

Arbre Heredis 

Archives Départementales des Vosges

Geneanet

Delcampe

Dessin à la plume du petit-fils de l'auteur du livre, Henri LALEVÉE