dimanche 8 juin 2014

H comme Houeran, Hiltiti et autres Histoires Hallucinantes


Le Houéran était une créature imaginaire dont le nom vient du patois vosgien signifiant «crieur». 



Ce monstre géant terrorisait le sud des hautes-Vosges sur un territoire passant par le Haut-du-Roc, les roches d’Urbain Roche et le Saint-Mont. Il descendait parfois jusque près de Dommartin. 

Cet être fantastique vivait principalement sur des sommets, ou il pouvait avec une vue perçante contrôler les vallées environnantes. 

Ses hurlements stridents « Houe ! Houe ! » glaçaient le sang des bûcherons mais surtout celui des voleurs de bois. Car ces derniers opéraient de nuit, et sitôt sur les lieux ils allumaient un grand feu au milieu d’une clairière et commençaient l’abattage d’arbres ou le pillage de tas de bois. Il était fréquent que le Houéran attiré par le brasier, sorte de l’obscurité en hurlant.





Des témoins le décrivaient comme un géant à la longue barbe rousse et hirsute, portant un chapeau noir à bords rabattus. 
Il avait les jambes et le torse d’un bouc et ses yeux flamboyants. Son postérieur était celui d’un bouc dont les cornes servaient à s’assoir près du feu.
 Il possédait le pouvoir de prendre avec ses mains des tisons ardents qu’il lançait à plusieurs centaines de mètres. 

A son approche, les chapardeurs de bois s’enfuyaient à toutes jambes craignant ce cousin des démons, sorciers et autres sotrés qui peuplaient le massif vosgien. 
Ce monstre dont le principal rôle était d’effrayer les détrousseurs de bois, était sans doute une invention de quelques gardiens qui comprenaient que la peur d’un être mystérieux était plus dissuasive que celle du « gendarme » !!





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Le Hiltiti est un oiseau fabuleux des Vosges, le seul qui ait quatre pattes et qu’on appelle à la rescousse lorsque les enfants ne sont pas sages…


« le Hiltiti vient piquer les yeux des garnements qui pleurent pour rien ou qui sont trop curieux… »





Il a un peu le rôle social du Marchand de sable ou du « Peût-Homme », mais avec une aura d’une plus belle dimension.
Etrange créature, sortie tout droit de la mystérieuse galerie d’animaux imaginaires dont s’entourent les hommes depuis si longtemps.


A y regarder de plus près, cependant, la bestiole est moins imaginaire qu’il n’y parait.
Si l’on tient compte des éléments qui nous sont connus, le bec, le cou, la longueur des pattes, on retrouve vite son égal chez Jean de La Fontaine :  "Le héron au long bec emmanché d’un long cou".


De plus, étant donné la teinte rouge du cou et du plastron, nous sommes visiblement en présence du héron pourpre.





Pour souligner les émotions et préciser les sentiments, les récits des anciens mythes s’agrémentent souvent de couleurs vives. 
Partout, les nuances éclatent, chargées de significations : le rouge indique la puissance et la cruauté, le bleu parle de jeunesse et de beauté, le jaune annonce la gaité et la folie, le vert signifie tendresse et espoir, l’orange le soleil et la malice, le blanc la fraicheur et la pureté, etc…

Le héron pourpre a donc été choisi pour sa couleur et peut-être aussi pour la forme de son crâne.

La coutume y place en effet son oeil unique et haut perché qui lui permet de regarder partout à la fois, y compris à travers les murs.


Quant à son nom pour le moins curieux de Hiltiti, il s’explique aisément. Sans doute s’agit-il d’une onomatopée provenant de son cri, identique au « croâ-croâ » du corbeau, ou au « cri-cri » du grillon.

Mais plus intéressante semble être son évidente parenté avec l’oiseau Piou-Piou de Bretagne qui, lui aussi, a la particularité de s’en prendre aux yeux. Plus particulièrement aux yeux des filles qui regardent trop hardiment les garçons.



Le jeunes bretonnes en éprouvaient parait-il une si grande crainte, qu’elles n’hésitaient pas à se retrousser pour se protéger le visage, laissant voir leurs jupons, ce qui plaisait infiniment aux garçons ;)


Le Hiltiti qui sait voir à travers les murs et se rendre invisible à volonté se trouve être le héros de multiples légendes.

Si vous ne les connaissez pas, inventez-les !

Nous savons tous aujourd’hui combien ces domaines de l’imaginaire et du fantastique sont importants pour le bon développement intellectuel de l’enfant.

(Le Hiltiti et le Piou-Piou ont une parenté certaine avec les trois merveilleux oiseaux de Drutwas, une des femmes-fées de la tradition celte. En effet, Adar, Lyouch et Gwin, qui eux aussi comprennent les paroles humaines, font tout ce que les hommes leur demandent, y compris les choses impossibles)

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Voici pour finir, quelques traditions et coutumes vosgiennes qui sortent de l’ordinaire.


Quelqu’un vient-il à mourir à Saulxures, à Rochesson, à Raon-aux-Bois et dans quelques autres communes voisines? On s ’empresse de changer le lit du mort, et l’on emporte la paille sur un grand chemin pour y être brûlée. On remarque avec la plus vive anxiété de quel côté va la fumée de ce feu ; celui vers lequel elle se dirige doit mourir le premier. 

Dans quelques villages de l’arrondissement de Remiremont, lorsqu’un enfant meurt, on invite ses petits camarades à le veiller et, à minuit, on leur sert un riz au lait. Un malade n’y meurt qu’avec un cierge allumé qu’on lui a mis dans la main ; on lui ferme ensuite la bouche et les yeux ; sans cette précaution, quelqu’un des assistants ou de ses parents ne tarderait pas à le suivre.

Une femme enceinte qui servirait de marraine, en certains endroits, mourrait dans l’année et son filleul également. 

Un chien perdu qui aboie près d’une maison présage la mort d’une des personnes qui l’habitent. Il en est de même des cris d’une chouette sur une maison. 

On interprète différemment, selon les lieux, le bruit que font les meubles en se disjoignant. Ici ce bruit annonce qu’une âme en souffrance dans le purgatoire demande une prière ; là, il présage la mort prochaine d’une personne de la maison. Il est du plus fâcheux augure, dans une foule de localités, que la cloche de l’horloge vienne à sonner pendant l’élévation. On croit qu’il y aura bientôt un mort dans le village. 
Dans un grand nombre on dit encore, lorsque la Noël tombe le vendredi, que le cimetière en aura sa part ; ce qui signifie que l’autorisation de faire gras un tel jour doit amener une grande mortalité pendant l’année.
Quand un chef de famille décède, on est dans l’usage, dans presque toute la contrée, de suspendre aux ruches une étoffe noire ; les abeilles, sans cela, partiraient dans les neuf jours. Dans quelques endroits, on leur met aussi un morceau d’étoffe de couleur, un jour de mariage, pour leur faire partager la joie.
Une jeune fille désire-t-elle connaître l’époux qui lui est destiné ? Il faut qu’une de ses amies glisse, tout à fait à son insu, dans son sac à ouvrage et le jour de la Saint André, une pomme de l’année. La jeune fille la doit manger en se couchant et en ayant soin de dire avant de dormir : « Saint André, faites-moi voir celui qui m’est réservé ! » et le jeune homme lui apparaît dans un songe. 
La jeune fille qui se marie avant ses soeurs aînées, leur doit donner à chacune une chèvre et un mouton le jour de son mariage ; déroger à cette coutume serait s’attirer de grands malheurs. Celle qui envoie un chat à son amant, lui donne congé.
Quand un mariage a lieu, celui des deux époux qui, après avoir reçu la bénédiction nuptiale, se lèvera le premier, sera le maître dans la maison. Il est rare que la mariée se laisse prévenir. La jeune fille qui a mis la première épingle à la fiancée doit elle-même se marier dans l’année ; il n’en est pas ainsi de celle qui marche sur la queue d’un chat. L’épingle que les jeunes filles jettent dans une fontaine, située près de Sainte-Sabine, lieu de pèlerinage, dans les forêts de Saint-Étienne, arrondissement de Remiremont, leur annonce, si elle surnage, un mariage prochain.
Bien des personnes pensent que si elles ont de l’argent sur elles la première fois qu’elles entendent, au printemps, le chant du coucou, elles ne manqueront pas d’en avoir toute l’année. 
Une étoile qui file annonce qu’une âme entre dans le purgatoire ou qu’elle vient d’en être délivrée : dans ce doute, on lui doit une prière. 
Rencontrer, au départ, deux brins de paille ou deux morceaux de bois placés par hasard en croix, est d’un très mauvais augure. Cela suffit quelquefois pour faire suspendre un voyage à bien des gens. Deux couteaux mis de la sorte sur la table, par la maladresse d’une domestique, ne sont pas vus d’un meilleur oeil.
Une poule qui imite le chant du coq, annonce la mort du maître ou de la maîtresse : aussi l’on ne fait faute de la tuer et de la manger, comme unique moyen de prévenir le malheur qu’elle présage. 
Homme ou femme qui veut avoir sept jours de suite de beauté, doit manger du lièvre. 
La bûche que l’on a mise à l’âtre la veille de la Noël est retirée soigneusement du feu avant qu’elle soit entièrement consumée. On l’éteint avec de l’eau bénite, et on la conserve toute l’année comme préservatif contre le tonnerre. 
Ceux qui se lèvent de bonne heure le jour de la Trinité, peuvent, s’ils sont en état de grâce, voir lever trois soleils. Des malheurs inévitables sont attachés aux voyages entrepris ce jour-là.
L’hirondelle est regardée comme portant bonheur à la maison où elle a construit son nid. Aussi l’on a soin de laisser ouvertes nuit et jour les fenêtres des chambres où elle a établi sa demeure. 
On croit aussi que la bénédiction du ciel descend sur les foyers où le grillon fait entendre son chant. Il est accrédité, dans quelques endroits, que le soir, dans l’été, on entend parfois, dans les airs, une troupe de musiciens qu’il est fort dangereux de rencontrer. On l’appelle Mouhiheuken ; il faut, pour ne pas en être mis en morceaux, se coucher le ventre contre terre.
Il y avait, dit-on, autrefois dans l’église de Remiremont les statues de trois saints, nommés saint Vivra, saint Languit, saint Mort. Lorsque quelqu’un était malade, on faisait brûler un cierge devant chacune d’elles. Le dernier qui s’éteignait annonçait si le malade guérirait, languirait longtemps ou mourrait. Ces statues n’existent plus aujourd’hui. 
La croyance aux follets, aux esprits se reproduisant la nuit sous la forme humaine, aux loups-garous, est encore généralement répandue dans la campagne. 
Quant aux sorciers, on en admet de deux espèces, de bons et de mauvais, qui donnent des maléfices ou qui en délivrent. Une lutte s’établit entre eux pour cela ; le plus savant est celui qui triomphe de l’autre. 
Il est encore plusieurs villages où l’on parle d’un chasseur mystérieux qui, depuis des milliers d’années, parcourt avec une nombreuse meute les vastes forêts de la contrée. Cette chasse se renouvelle à diverses époques de l’année et dure plusieurs nuits de suite. Malheur à l’homme qu’il rencontre sur son passage ! Bien des voyageurs égarés ont été, dit-on, la proie de ses chiens affamés.

On croit encore, en certains endroits, au pouvoir des fées, et plusieurs localités ont conservé des noms qui attestent combien elles y étaient en vénération. 
Dans la commune de Bresse est une ferme dite des Fées. Sur la montagne d’Ormont se trouve le porche des Fées. Un hameau de la commune d’Uriménil est nommé Puits des Fées. Le pont des Fées, situé près de Remiremont, est une vaste construction en pierres sèches, que le peuple attribue à ces divinités du Moyen Age.


3 commentaires:

  1. Bravo Fabien pour cet article passionnant !
    J'adore découvrir ainsi les légendes et croyances populaires des différentes régions.
    Merci pour le partage :-)
    Elise

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  2. Extra en effet ! Les fadets de Prinçay et leurs sorcières sont enchantés !
    bises

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