jeudi 13 juin 2019

La guerre n'est pas finie pour tous...


Vosges, dimanche 30 octobre 2016, 15h.

C'est ma première visite à la Nécropole Nationale des Tiges à Saint-Dié-des-Vosges.

Je gare la voiture. Le ciel est bleu, l'endroit est calme... ça commence bien.








La découverte d'un cimetière militaire de la Grande Guerre n'est jamais sans émotions.

Je le sais et je m'y attends toujours.

Les barrières franchies et les escaliers montés, le coup d'oeil aux panneaux informatifs reste à chaque fois instructif.





Après être passé devant le monument commémoratif en grès rose des Vosges érigé par l'Union Nationale des Combattants section de Saint-Dié, la visite des sépultures commence.






Les tombes sont alignées en rangs, leurs croix sont dos à dos avec la rangée mitoyenne.

Le temps a rongé la peinture blanche d'antan, les croix sont d'aspect brut, cash.

C'est un lieu de repos pour ceux qui ont donné de leurs vies, le respect et le silence sont de mise...Ça tombe bien, je suis seul.






J'effectue mon premier arrêt devant les croix voisines des Commandants Eugène Paul RENEAUD et Joseph Germain EVENO.

La décoration particulière en est la raison, tant les autres sont normalisées.





Puis je poursuis la visite.

L'ossuaire est au fond, toujours très impressionnant...






Je continue mon trajet, en remarquant des noms, des grades, des régiments particuliers...

Lorsque j'en viens à bloquer devant une première tombe... 

François RAFARALAHY, 7e Génie, Mort pour la France le 2 août 1919...




Un Malgache, à priori, vu le patronyme...

Regardons sa fiche de décès :





On y apprend qu'il est né vers 1890 à Antsassiroa sur l'île de Madagascar, qu'il était soldat et qu'il est décédé suite à une bronchite aiguë à l'hôpital mixte de Saint-Dié.


Tombe suivante :







Il s'agit de DO NGOC TONG, 2e classe au 21e Bataillon de Tirailleurs Indo-Chinois, né en 1892 à Tu Duong, région d'Hagong au Tonkin (nord Vietnam actuel). 
Il est décédé le 24 novembre 1918 à l'hôpital mixte de Saint-Dié également, d'une broncho-pneumonie d'origine grippale.

À côté de lui, un autre Tonkinois :







VU VAN DUYEN était soldat de 2e classe au 68e Régiment d'artillerie à pied. Il est né en 1883 à Sen Trung, Province de Sontay au Tonkin. Il est décédé le 8 juin 1919 à Saint-Dié (à l'hôpital très probablement) d'une péritonite.


Son voisin est :







RAINIMANANDRAIBE, sans prénom, soldat de 1ère classe au 418e Régiment d'artillerie lourde, né vers 1899 à Amblécly sur l'île de Madagascar. Il est décédé le 13 février 1919 à l'hôpital mixte de Saint-Dié d'une congestion pulmonaire.


Suivant :







RALAIHAVANA, sans prénom (sauf un Robert?), soldat de 2e classe du dépôt des isolés coloniaux (121e RAL), né en 1887 à Andrassoy, numéro matricule inconnu au recrutement de Diego Suarez sur l'île de Madagascar. Il est décédé le 23 mai 1919 à l'hôpital mixte de Saint-Dié d'une congestion pulmonaire, lui aussi.

À côté :







RALAIBOZAKA, prénom inconnu, 2e canonnier au 121e Régiment d'artillerie lourde, né en 1893 à Tantsimonamboangy, canton de Ambatolampy sur l'île de Madagascar. Il est décédé le 12 septembre 1919 à l'hôpital mixte de Saint-Dié d'une maladie contractée en service commandé.

Voici son voisin :







RASOAMANANA dit RACHOMEN, sans prénom, soldat de 2e classe au 418e Régiment d'artillerie lourde, né le 25 avril 1893 à Imbimanaboula sur l'île de Madagascar. Il est décédé le 21 février 1919 à l'hôpital mixte de Saint-dié d'une maladie contractée en service.

Tombe suivante : 







RAKATO, sans prénom, soldat travailleur colonial au 7e Régiment de génie, né présumé en 1898 à Antsahamy, province de Tannarive sur l'île de Madagascar. Il est décédé le 15 juillet 1919 à l'hôpital mixte de Saint-Dié d'une congestion pulmonaire et broncho-pneumonie.


Son voisin :







PHAN VAN HIEN (ou HIEÛ), Caporal indigène au 7e Bataillon Indo-Chinois, né en 1890, décédé le 24 février 1919 à l'hospice mixte de Saint-Dié d'une maladie imputable au service.


9 hommes âgés de 20 à 36 ans, nés loin de leurs sépultures tranquilles vosgiennes, tous tombés de maladies bien-sur imputables au service, tous à l'hôpital mixte de Saint-Dié, tous Morts pour la France après le fameux 11 novembre 1918 qui ne sonne que l'arrêt des combats sur le front occidental... Aucun n'est mort au combat.

Malgaches, Indo-Chinois, sur les restes des champs de batailles, utilisés comme ouvriers funéraires pour constituer des cimetières militaires... où certains finiront... 

Quelle ironie macabre dans cet endroit de recueillement...



Pour finir la promenade avec une dernière tombe de la Nécropole, je m'arrête sur celle du Capitaine Marie Dominique ROUSSE LACORDAIRE.








Il est né ROUSSE Marie Dominique Adrien Télèphe le 2 février 1870 à Vendôme dans le Loir -et-Cher, fils de Paul Jean et de Camille Françoise Marie LACORDAIRE.

En 1891, Marie Dominique intègre l'école spéciale militaire de Saint-Cyr, promotion Soudan 1891-1893.

Le 1er octobre 1893, il est nommé Sous-Lieutenant au 30e Bataillon de chasseurs à pied.
Le 1er août 1895, il passe au 40e Bataillon de chasseurs à pied et embarque le même jour à bord du Ring-Long à destination de Madagascar...(quel hasard ce lien^^).

Le 1er décembre 1895, il est rapatrié à bord de l'Amérique et débarque à Port-Vendres (66) le 24 décembre.

Marie Dominique est nommé Lieutenant le 1er octobre 1895, alors encore sur le théâtre d'opérations.

Le 1er janvier 1896, il repasse au 30e BCP. 
Une deuxième nomination comme Lieutenant le 1er avril 1900, comme Capitaine Major le  27 septembre 1906 au 11e BCP et comme Capitaine le 19 octobre 1906.
Au mois de janvier 1906, il subit une blessure d'un coup de pied d'un cheval au cours d'une manœuvre de cadres...

Il est mobilisé début août 1914 et décède le 27 août 1914 au combat de Saint-Dié.

Il est cité à l'ordre de l'armée (Croix de guerre avec palme) le 25 janvier 1915 : 

"A conduit ses chasseurs à un assaut à la baïonnette le 27 août 1914 avec un courage admirable et un complet mépris de la mort. A été tué au cours de l'assaut."

Il a également reçu la Médaille de Madagascar et a été décoré posthume Chevalier de l'Ordre de la Légion d'honneur le 20 mai 1919.






Sa fiche de décès le place au 51e Bataillon de chasseurs alpins, la plaque sur sa croix indique le 11e BCA, comme sur la photo ci-dessous.








Tous ces hommes, soldats, ouvriers, officiers, métropolitains ou "indigènes" reposent ensemble en cet endroit. 

C'est ce qui les unit et ce qui nous pousse au respect des lieux.






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Sources :

  • Mémoire des hommes - Ministère de la Défense
  • Archives départementales du Loir-et-Cher
  • Photo ROUSSE : MémorialGenWeb - Pascale FOUCHER
  • photos personnelles



1 commentaire:

  1. N'oublions jamais tous ces hommes originaires de toutes les parties du monde qui sont tombés en défendant la France et faisons tout notre possible pour que la paix et la dignité de l'être humain soient respectés pour les siècles à venir.

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